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Soit dit en passant

Comme le temps passe…

4 Juin 2014 , Rédigé par JCD

Il y a des jours où l’on aurait envie de reprendre à son tour, mais en douce, façon soupir, afin d’échapper à l’amalgame honteux, le trop fameux refrain cher aux nostalgiques de la discipline qui fait la force principale des armées et transforme en hommes dignes de ce nom les freluquets exhibant leurs trois poils au menton, refrain qui voyez-vous ma bonne dame proclame il nous faudrait une bonne guerre ! Et pourquoi donc, me direz-vous le sourcil interrogatif et peut-être même un peu outré ? Eh bien parce que. Parce que – et je reconnais que je me montre là quelque peu naïf, ou carrément dégoûtamment utopiste – parce que peut-être ainsi serait-ce l’occasion, le bon moment de remettre au goût du jour cette réaction commune d’une poignée (ils étaient seize, pas un de plus) d’individus qui, durant le mois de mars 1944 et alors que la guerre précisément n’était même pas terminée, confectionnèrent un texte qui devait servir de programme à cette République qui allait succéder à l’État français collaborationniste. Et ce programme, instaurant la Sécurité sociale et les retraites pour tous, la nationalisation des principales banques et compagnies d’assurances, de la SNCF, d’EDF, de Renault et d’Air France, a fonctionné pour plusieurs générations jusqu’à ce que d’autres individus s’inquiètent de ce que l’intérêt général d’une population passe avant les intérêts particuliers, notamment ceux de la finance.
Intitulé Des jours heureux, ce programme subira un premier coup de canif en 1973 durant le règne, pourtant heureusement éphémère de Pompidou, auquel les années 80 viendront apporter de nécessaires compléments, y compris durant l’épisode socialiste qui ne se privera nullement de l’écorner davantage, notamment en privatisant une partie, non négligeable, de ce que le Conseil national de la Résistance avait nationalisé. La droite la plus bête du monde (c’est elle qui le dit) n’aura de cesse de tenter de ruiner progressivement les acquis de ce programme, avec la complicité bienvenue de l’Union européenne et sa doctrine de mise en concurrence des entreprises comme des États pour le seul profit des institutions financières et des multinationales pour qui on aura inventé la fraude fiscale. Ainsi qu’il était prévisible, le parti socialiste revenu au pouvoir et se revendiquant social-démocrate œuvrera dans le même sens que son prédécesseur, sachant même se montrer plus imaginatif que lui dans le domaine de la destruction programmée inéluctable des mesures de justice sociale mises en place soixante-dix ans plus tôt par des hommes qui n’étaient pourtant pas tous de redoutables marxistes.
Loin s’en faut pour certains puisque c’est un nommé Georges Bidault qui remplacera Jean Moulin à la tête du Conseil national de la Résistance en 1943 en tant que représentant des Démocrates chrétiens, on le voit d’ailleurs poser au centre de ses camarades pour la photo de famille, les mains dans les poches (sauf les deux pouces) de son petit veston joliment cintré. Ce qui ne l’empêchera nullement de créer plus tard, en 1962, un nouveau CNR destiné celui-là à défendre l’Algérie française. Il sera d’ailleurs membre de l’OAS, avant d’être expulsé vers le Brésil d’où il reviendra pour participer, en France, certes brièvement mais quand même, à la création du Front National, où il a probablement dû rencontrer les futurs ultra-libéraux Longuet, Madelin, Goasgen et Devedjian, membres plus ou moins actifs de mouvements comme Occident, le GUD puis Ordre Nouveau et aujourd’hui ardents défenseurs d’un détricotage du programme de mai 1944. Que ceux-là coulent aujourd’hui des jours heureux dès lors que leur rang social les a placés à l’abri des petites contrariétés de l’existence, pourquoi pas en effet puisque réussir dans la vie n’est pas à la portée de tout le monde. Mais, à l’époque, se seraient-ils battus en faveur d’un projet qui privilégiait l’intérêt général au détriment du particulier ? Rien n’est moins certain.

mars 2014

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T
continu à écrire ,bravo pour le fond et la forme , et toutes tes idées . M-F
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C
Le pauvre Stéphane Hessel doit s'indigner du fond de sa nouvelle résidence.en constatant que son message n'a pas été bien entendu..
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C
LU
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