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Soit dit en passant

Les aventures de Pierre et Marie Curie

15 Novembre 2017 , Rédigé par jcd


Ce gros porc de metteur en scène lui avait donné rendez-vous à la gare de Lyon à moins le quart. Le train partait à cinquante. Lorsque le taxi la déposa sur le passage pour piétons la grande horloge indiquait moins cinq. Autant dire que l’express avait filé et le gros porc par la même occasion. Un peu plus tard, elle appela le garçon et lui demanda en soupirant d’agacement un deuxième ballon de blanc. Tant pis, se dit-elle, si l’autre andouille était à ce point maniaque de la ponctualité elle en balancerait un autre, il ne fallait quand même pas pousser la complaisance au point d’obéir au doigt et à l’œil  pour le moindre essayage en costumes alors qu’elle n’avait jamais entendu parler du remplaçant de George Clooney – ou de Kad Mérad – et que tourner un bout d’essai à poil en plein mois de novembre dans une ferme de Lozère probablement glaciale ne constituait nullement un projet d’envergure, quoi qu’en affirmât l’autre. D’abord il faut d’abord voir la longueur du bout, et puis, ce ne sont pas les occasions qui manquent, dès qu’on a un peu de talent. Denise – elle se faisait appeler Emmanuelle – le lui avait assez répété avant de rencontrer le directeur des ressources humaines d’un grand groupe de presse, ou d’un laboratoire pharmaceutique international, qui l’avait faite engagée dans un supermarché de la banlieue sud de Villeurbanne, au rayon carottes et topinambours (hélianthe tubéreux, vulgairement nommé topinambour en référence approximative à une peuplade du Brésil). Emmanuelle donc, mère de six enfants parce qu’épouse du chef de rayon, avait – provisoirement s’entend – renoncé à développer une brillante carrière dans le cinéma et la télévision après un échec retentissant dans une émission de variétés à prétention culturelle où elle avait donné la réplique à Gérard Dubosc ( frère non reconnu du plus que célèbre comédien – elle admirait son époustouflant génie – dont elle n’avait sous aucun prétexte manqué une seule de ses prestations au point d’avoir obtenu, par dérogation spéciale, de pouvoir orner son étal de légumineuses à Carrefour du portrait en couleurs et dédicacé de son idole).
Georgette, quant à elle, s’apprêtait à rentrer dans son petit appartement de Villeneuve-Saint-Georges auquel elle demeurait très attachée en raison même de son propre prénom, avec l’intention bien arrêtée de décrocher le second rôle dans un petit film en principe réalisé par son beau-frère à l’hôpital de la Pitié Salpètrière où il était gardien de nuit suppléant. Ce court-métrage devait permettre au grand public de découvrir l’ablation d’un nodule probablement cancéreux et désagréablement situé à la périphérie interne du rectum et c’est précisément Georgette qui avait été choisie, après plusieurs essais, pour confier son anus à l’œil inquisiteur de la caméra tandis qu’en voix off le commentaire, écrit par Marguerite Duras, serait déclamé par l’inoubliable Francis Huster, de la Comédie- Française. C’était assez dire l’ampleur et l’ambition du projet. Dans l’intervalle, si l’on peut dire ainsi,  elle avait participé à quelques actions spectaculaires visant à dénoncer les pratiques proprement scandaleuses de quelques mâles autoritaires parce qu’imbus de leur petit pouvoir dans quelque milieu que ce fût. Elle s’était donc engagée avec détermination à faire rendre gorge à tous ces gras-du-bide qui n’avaient qu’une idée en tête, lui palper les fesses dans l’ascenseur avant de la coucher sur le divan d’une chambre de bonne afin de lui apprendre qui donc était l’homme et à ne jamais l’oublier.
Parvenue devant la porte de son cinquième étage gauche avec vide-ordures sur le palier, elle se souvint d’avoir omis d’acheter les trois kilos de  rutabagas dont elle était très friande, surtout avec du boudin aux pommes et de la crème Chantilly. Tant pis, se dit-elle en ouvrant une boîte de maquereaux au vin blanc, car elle affectionnait particulièrement le vin blanc (le lecteur un peu attentif l’aura lui-même remarqué alors que la porte n’était pas totalement ouverte mais suffisamment néanmoins pour que le ragondin favori de Georgette en eût profité pour s’enfuir jusqu’au second où  l’attendait le gratin de choux de Bruxelles de Brigitte Macron qui aimait beaucoup lui faire plaisir. – Alors on ne peut plus chier tranquille, hurla comme il savait si bien le faire Emmanuel qui courut répondre au téléphone sans même avoir remonté son caleçon Pierre Cardin.
Si cette jolie petite histoire vous a ému(e) aux larmes finissez-la vous-même car, personnellement, je la trouve insipide et totalement dépourvue de morale.


15 novembre 2017

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