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Soit dit en passant

Et que les traîtres soient pendus !

23 Février 2016 , Rédigé par JCD


En dépit du mot culture, devenu un invraisemblable dépotoir, je me demande parfois s’il ne serait pas nécessaire, pour ne pas dire urgent, que les gouverneurs qui nous gouvernent prennent l’initiative d’introduire au sein de leur assemblée une sorte de ministre chargé de s’intéresser d’assez près – façon de parler évidemment en raison de possibles pestilences – à tout ce qui touche à ladite culture. Je n’ignore certes pas combien la tâche est considérable, les moyens prétendument dérisoires mais l’ambition ne manque guère et l’œuvre à accomplir est plus que jamais terriblement exaltante.
Choisi en fonction de son incompétence notoire, l’individu de type mâle ou femelle – nul ne peut ici prétendre à une quelconque priorité au motif qu’il ou elle serait réputé(e) pour ses performances sexuelles plus ou moins ahurissantes – ledit individu donc devra s’avérer incapable de distinguer une peinture de Soutine d’un bronze de Zadkine (ce sont là deux exemples pris au hasard et l’on peut tout à fait en choisir d’autres) mais, en revanche, disposer du vocabulaire adéquat afin d’être en mesure de prononcer un discours qui se réfère à la démarche de tel plasticien dont on honorera l’œuvre que son acquisition par l’État a permis d’intégrer dans le patrimoine commun dans le but ô combien louable d’encourager l’édification des masses de moins en moins laborieuses, mais souvent hélas douloureusement incultes. La complexité est indissociable du travail hautement conceptuel de l’artiste qui, hier encore ignorant tout du nombre d’or et de la différence qui existe entre un format vingt F et un vingt M, sait désormais s’exprimer dans la langue des sociologues de l’art et élaborer en douze à dix-huit feuillets le projet dont il entend faire profiter l’humanité dès l’instant où celle-ci aura résolu quelques problèmes, annexes certes mais pour elle importants voire essentiels. Et où il aura, lui l’artiste, le créateur, déniché les manœuvres capables de se coltiner le boulot à sa place.
On l’aura compris, n’est pas ministre de la culture qui veut, d’autant que ce dernier – ou cette dernière, car je tiens à le répéter, le machisme a beau faire partie intégrante de notre culture il ne saurait s’afficher dans les règlements administratifs rédigés sous le regard bienveillant mais attentif du ministre de la discrimination, qui d’ailleurs est lui-même une femme, c’est du moins ce qui se laisse entendre. N’est pas ministre de la culture qui veut car son incompétence doit pouvoir s’étendre au-delà de ce que l’on nomme les arts plastiques puisqu’il lui faudra également être à même de citer trois ou quatre écrivains notoirement célèbres en raison de leur présence régulière sur les plateaux de télévision, le risque étant toutefois qu’un quelconque hurluberlu ait l’inconscience de prononcer les noms de Flaubert ou Proust sans qu’une assistante imbécile ait songé à rédiger une fiche où figurent quelques-uns de ces défunts oubliés et le titre d’une ou deux de leurs œuvres. C’est qu’il s’agit ici d’un vaste domaine et il convient de donner l’illusion que l’on n’ignore rien du Who’s Who grâce à l’apprentissage intensif de quelques formules absconses opportunément extraites de la presse spécialisée (j’évoque en l’occurrence ces magazines que l’on dit people consacrant quelques pages aux exploits carrément panthéistes de l’élite du spectacle). Il devra également étendre son savoir au-delà de ce que l’on nommait jadis la musique car c’est dorénavant un secteur où le consommable-jetable a su acquérir une audience que l’on ne saurait négliger, quand bien même nous le souhaiterions. C’est qu’il y a là un gigantesque tas de compost d’où, tels les asticots, surgissent quotidiennement de nouveaux génies sur lesquels nous ne pouvons, bon gré mal gré, faire l’impasse mais qui seront dans la plupart des cas remplacés, satisfaction relative, dès la semaine suivante.
D’aucuns ne manqueront certainement pas de se réjouir d’un processus d’acculturation comparable à celui qui permet à chacun désormais de déguster un véritable cassoulet de Castelnaudary le lundi à Bangkok et le mardi à Reykjavik ou Oulan Bator. On peut d’ailleurs se laisser tenter par un genre de performance analogue avec le spectacle unique donné au World Trade Center en 2001 et ceux à Paris en 2015, en dépit du fait qu’il est toujours difficile d’égaler l’effet de surprise, surtout lorsque les moyens mis en œuvre sont inférieurs. Par ailleurs, il faut bien comprendre qu’il s’agit ici de cultures différentes dont les publics new-yorkais et parisiens, si proches soient-ils l’un de l’autre, n’ont sans doute pas saisi tout le caractère festif, compte tenu de l’absence totale de répétitions de la part des intervenants. Toujours, l’improvisation nécessite, exige que le texte soit correctement écrit afin qu’il serve de garde-fou à l’acteur pour que son interprétation se libère et qu’il explose. Pour la joie de tous.
Non, décidément, les arts s’accommodent assez mal de la mondialisation, chacun conservant au fond de lui un attachement à ses racines et à sa propre culture. Observons combien nous sommes de fidèles amoureux, en dépit des tentatives malsaines de sagouins sans scrupules, à notre langue et constatons l’échec patent des espéranto et autres volapuk. Nous concluerons donc sur une célèbre paronomase : traduttore, traditore. Et que les traîtres soient pendus !
février 2016

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C
Mea-culpa .Suite à ta pertinente remarque sur mon attribution erronée de cette célèbre phrase à ce pauvre Göring, je rectifie mon commentaire avec mes plates excuses pour cette impardonnable étourderie.<br /> <br /> <br /> Johst écrit en 1933 une pièce intitulée Schlageter (de), expression de l'idéologie nazie et jouée lors de l'anniversaire d'Adolf Hitler pour célébrer l'arrivée au pouvoir des Nazis. Il s'agit d'une hagiographie héroïque du martyr « pré-nazi » Albert Leo Schlageter (1894-1923). La phrase « quand j'entends le mot culture, je sors mon révolver », souvent prêtée à des dirigeants nazis, vient de cette pièce. Mais la phrase originale est un peu différente : « Wenn ich Kultur höre ... entsichere ich meinen Browning !. » « Quand j'entends parler de culture... je relâche la sécurité de mon Browning ! » (acte 1, scène 1). Elle est dite par un personnage de la pièce, dans une conversation avec le jeune Schlageter. Dans cette scène, Schlageter et son camarade de temps de guerre Friedrich Thiemann étudient pour préparer un examen d'université mais commencent à se disputer si cela vaut la peine de faire cela alors que la nation n'est pas libre. Thiemann affirme qu'il préfèrerait se battre plutôt que d'étudier.
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C
Certes, si on souhaite qu'un ministre de la culture ou à un président de la République ait lu la princesses de clèves et soit capable de reconnaître un Picasso d'un «Picassiette », faut-il exiger pour autant qu'un ministre de l'agriculture sache planter une salade ?. Sauf quelques puristes rétrogrades s'attarderont à ces détails.<br /> L'important c'est qu'ils s'adaptent au pôle d'intérêt du moment d'une opinion publique friande de sensationnel.<br /> C'est évident que le 11 septembre 2001 new-yorkais a battu le niveau de performance spectaculaire du 11 septembre 1973 Chilien. <br /> Au point même qu'aucune commémoration ne vienne rafraîchir les mémoires défaillantes. Gageons que Zidane est plus connu du « ''Grand Public'' que Salvador Allendé. .<br /> Que penser du choix de la ministre de la culture mêlant sans vergogne un Brel et un Victor Hugo à un aboyeur hexagonal tout jauni pour commémorer les victimes des attentats djihadistes ?. C'est indubitablement une faute ''dégoût''.<br /> Les arts - et à fortiori ses marchés- s'accommodent très bien avec la mondialisation .<br /> L'exposition des ''Koons-eries'' dans les appartements royaux de Versailles le prouve.<br /> Je termine mon trop long commentaire par une citation d'Hermann Goring, grand amateurs d'Art , « Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver » ;<br /> Rien n'a changé.
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