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Soit dit en passant

Lavorare stanca

22 Décembre 2015 , Rédigé par JCD

À Cesare Pavese


Ce matin je me suis levé, en me forçant un peu, quelques minutes avant dix heures. C’est là un constat que j’effectue de plus en plus souvent. Certes, la saison s’y prête, c’est l’hiver, le jour se lève tard lui aussi et il est finalement cohérent de respecter le rythme de la nature en s’y accordant. C’est l’hiver et lorsque j’ai passé toutes ces heures de sommeil à l’intérieur de mon lit à en réchauffer patiemment la température avec mon propre corps je me dis qu’il serait fort dommage de gaspiller cette bonne et douce tiédeur alors que nulle activité essentielle ne me réclame ailleurs. Réveillé par des barbares qui sillonnent, à une soixantaine de mètres de mon oreiller au volant de leur tracteur, camion ou quatre-quatre agrémenté d’une remorque où bringuebalent de probables plaques de tôle, la départementale seize alors que le soleil se retient de paraître pour ne surtout pas nuire à mon repos, je m’efforce de sombrer à nouveau dans l’inconscience qui est quand même le meilleur moment de la journée, en dehors de la nuit proprement dite. Si je m’abandonnais totalement à mes désirs je ne quitterais plus jamais mon lit, et c’est d’ailleurs ce qui finira par se produire, bien que le caractère résolument définitif me contrarie quelque peu alors que je me verrais bien poursuivre l’expérience encore quelques années ou dizaines d’années.
Enfant, j’étais adepte de la grasse matinée et les vacances scolaires m’offraient une magnifique opportunité pour ne rien faire. Les copains du quartier n’étaient pas autorisés à franchir la porte du jardin ouvrant sur le chemin qui conduisait jusqu’à la fenêtre de ma chambre. Dans sa grande sagesse, ma mère veillait à ce que mon sommeil récupérateur fût respecté, sans doute avait-elle deviné combien déjà j’étais poète, quand bien même j’ai ensuite mal tourné et cru un temps qu’il fallait pour vivre travailler. Mais ça y est, l’âge aidant, je me suis ressaisi et ne partage désormais mon temps qu’entre le sommeil et le culte de l’inutile. Sans omettre bien sûr, lorsque la nécessité s’en fait sentir, de me nourrir et désaltérer, ce qui est un encouragement au sommeil. Je dois reconnaître que je peux m’appuyer pour cette activité sur d’excellentes dispositions, grâce au fait notamment que j’ai réussi à maîtriser dans bien des cas mes penchants insomniaques à l’aide de petites pilules blanches. Néanmoins, il arrive parfois qu’échoue la chimie. Il faut alors avoir recours aux bonnes vieilles méthodes d’antan et disposer dans un coin de sa bibliothèque de quelque livre d’un écrivain à la mode dont on nous aura vanté la prose ambitieuse et le style sans équivalent. J’en conviens, la thérapie est fastidieuse, cruelle même, mais il faut savoir dominer sa répulsion si l’on veut vraiment parvenir à un résultat concluant avant que la colère ne prenne le dessus.
On compensera semblable désastre au moyen d’une sieste précoce, anticipée en quelque sorte juste après l’apéro de onze heures, mais le mal est fait et le déroulement serein de la journée en sera irrévocablement perturbé. Surtout si, de surcroît, quelque sagouin décide sans le moindre scrupule de saccager un épisode de repos pourtant bien mérité en vous informant par téléphone que la loi obligera prochainement tout citoyen à faire procéder à l’installation d’un système d’alarme antifumée, en conséquence de quoi il serait opportun de contacter le conseiller actuellement présent dans votre commune ou votre arrondissement.
D’aucuns, qui ne l’ont pas expérimenté eux-mêmes, préconisent le suicide en garantissant un sommeil de plomb. Le procédé est certes radical mais il y manque un élément de satisfaction déterminant : se réveiller et décider de se rendormir.
décembre 2015

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C
Je subodore que ton signe du zodiac est le unau.<br /> Adepte farouche de cette religion qu'est la sieste , je pratique avec une dévotion farouche son rituel quotidien en maudissant les importuns venant parfois troubler sa quiétude. <br /> Ces effets bénéfiques ne sont plus à prouver. Des études approfondies sur le sommeil ont démontré que cette période de repos accordée en milieu de journée facilitait l'intégration des connaissances en les redistribuant dans les bonnes régions du cerveau et améliorait la productivité . .D'ailleurs de grandes entreprises prônent de plus la pratique de la sieste source de plus d'efficacité de leurs employés.<br /> Continue donc de siester pour une productivité abondante de broutilles fertilisée au beaujolais blanc dont les effets secondaires semblent n'avoir (pour le moment) aucun impact sur leur qualité.
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