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Soit dit en passant

L’heure d’été

9 Juillet 2014 , Rédigé par JCD

Allez, c’est parti ! À l’exception d’un certain nombre de pauvres, le peuple de France est en vacance. Certes, les pauvres aussi sont en vacance, mais eux s’abstiennent de voyager pour des raisons qui ne regardent évidemment qu’eux-mêmes. Monsieur Gattaz et tout son gouvernement ont fermé leurs bureaux, les ambitieux projets de redressement des finances publiques et de relance de l’économie attendront bien jusqu’à la rentrée. C’est d’ailleurs ce qui donne tout son lustre à ce moment exceptionnel et tant attendu où chacun aura à cœur d’afficher le plus beau bronzage, car la rentrée est la concrétisation d’un bonheur que seuls peuvent connaître et apprécier ceux pour qui travailler est d’abord se mettre au service des autres. Quelques-uns, peu nombreux, devront sans doute quitter momentanément le confort douillet de leur résidence exotique pour faire acte de présence, d’un coup de jet privé, lors de l’inamovible parade militaire du quatorze juillet afin de n’abandonner en aucun cas dans cette glorieuse épreuve le chef des armées à qui il incombe également, et c’est un souci pour lui, de pourfendre et d’écraser à jamais ces coquins de la finance.
Les manants — que leurs seigneurs autorisent à s’absenter durant parfois jusqu’à cinq semaines, un acquis social datant d’antan et par là même contestable, et d’ailleurs contesté — partiront donc eux aussi, sur les autoroutes du soleil au volant de leur fringant cross-over, ou dans des trains certes bondés mais c’est une telle joie que d’aller ainsi se ressourcer, et puis n’est-il pas exaltant d’apporter sa petite contribution à la relance de l’économie de son pays en oubliant pour un temps une probable délocalisation ou une éventuelle liquidation judiciaire de l’entreprise où ils sont entrés quand ils étaient hauts comme ça. C’est qu’il faut savoir se montrer compétitif.
Abandonnant, sans regret semble-t-il, les brumes du septentrion ils fondent allègrement sur ces contrées sudistes que l’on dit hospitalières où l’autochtone jovial les attend, tout émoustillé à l’idée de faire en un peu plus d’un mois le chiffre d’affaires de l’année. Le rosé est au frais, le pastis sur la table, la lavande en sachets et les gros cafards collés au tronc des platanes ont déjà commencé d’affûter frénétiquement leurs élytres. La saison sera bonne. Fermement attachées à la perpétuation du folklore local respectueux des grandes traditions romaines, les municipalités, dotées de l’équipement idoine, se font un devoir d’accueillir un public qu’excite férocement les grotesques gesticulations assassines du tueur de vaches en collant rose, dixit François Cavanna, dont on ne sait ce qui, des oreilles ou de la queue, fait plus particulièrement mouiller les connes déguisées en salopes qui s’en iront un peu plus tard rêver d’amourettes de taureau pour, finalement, se goinfrer d’un bœuf à la gardianne décevant car la mort durant l’effort contracte les muscles et rend la bidoche plutôt coriace. Heureusement, il y a la mer.
S’y déversent les eaux usées, s’y diluent les urines des gentils baigneurs unisexes et plus si affinités. Qui boit la tasse a un gage ! Il arrive parfois, exceptionnellement, qu’il pleuve mais cela ne suffit pas pour laver la flaque qui charrie ses déchets, les reprend, les repousse, inlassablement et peine à les digérer. On comprend ses difficultés tant le challenge impressionne. Les manants y viennent rincer leur herpès et patauger, en famille, pourquoi pas en effet puisque les plages qui ne sont pas privées sont par soustraction à tout le monde, la plèbe comprise quand bien même y dénombrerait-on quelques cadres à Rolex d’importation asiatique. Les méduses elles-mêmes ont des boutons. Heureusement, il y a la plage où l’on peut à loisir cultiver mélanomes et carcinomes tout en parcourant avec gourmandise le dernier roman d’un ou d’une célèbre quelconque. La viande s’y vautre et s’y répand comme à un immense étal de supermarché, l’amateur n’a que l’embarras du choix, tout ou presque est en solde et ici ou là on trouve d’avantageuses promotions, quelques fins de série retiennent l’œil du pervers aux appétits jamais comblés. Heureusement, il y a la fin des vacances et la possibilité d’évoquer bientôt entre amis, autour d’une épatante fondue savoyarde planifiée durant les congés d’hiver, de merveilleux souvenirs encore tièdes. Mais déjà en train de rancir.

juillet 2014

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C
Ta description de la gent migrante de juillet et août est "croquignolette ". Qui a une fois seulement fréquenté un de ces "stalags" vacanciers et assisté aux fumeuses soirées karaoké ne peut que ressentir un profond dégoût au contact de la masse d'abrutis qui si presse. Il y a pire ,avec les camps de nudistes, ou la vieille bidoche humaine s'exhibe en toute impudeur ,Je ne suis pas pour autant partisan de la burka balnéaire. Je fais partie des fins de série mais sans désir de rencontrer une amatrice de vieille ruine .Question de lucidité et de dignité .
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