Toubib or not toubib !
Récemment, au cours d’une émission de télévision ordinaire, fut posée cette question qui n’est certes pas totalement dénuée d’intérêt, notamment pour celui, ou celle, à propos de qui il convient de s’interroger : Combien vaut une vie ? Car de nombreux paramètres peuvent influencer l’évaluation, principalement qui fixe le montant et quelles sont ses relations avec la personne choisie pour cette démonstration dont les conséquences peuvent éventuellement s’avérer fâcheuses pour ladite personne. écartons au préalable toute différence de couleur de peau qui aurait un peu tendance à influencer la compétition dès lors que le seul fait d’afficher un bronzage excessif risque de peser défavorablement sur le prix de base de l’article choisi, exception faite pour les amateurs et trices friand(e)s d’exotisme. Examinons ensuite la position sociale dudit article au regard de celle de l’acheteur potentiel puisqu’il ne viendrait à l’esprit de quiconque – pour peu qu’il fut sain de corps et d’esprit – de tenter d’acquérir un produit susceptible un jour ou l’autre de prétendre le concurrencer. Il existe des règles que l’on doit s’interdire de contourner, sinon nous allons à la chienlit. À partir de ces bases acceptées d’entrée de jeu et de part et d’autre la mise sur le marché peut démarrer et les enchères éventuelles pimenter le dialogue. Nul ne saurait ignorer le penchant actuel visant à dénigrer la qualité d’une marchandise dont on ignore la provenance. Le prix d’une vie peut varier en fonction des circonstances, intérieures ou extérieures ayant présidé à la mise en vente d’un produit dont l’acquéreur aura ensuite à assumer la charge, parfois durant plusieurs années si nul accident forcément imprévu et ce d’autant plus qu’il était imprévisible ne vient interrompre l’éventuelle transaction. Observons combien l’argument bio peut générer des surestimations parfois abusives et il est sage de savoir exiger des garanties d’authenticité, nonobstant la fraîcheur du produit. Une vie ne doit en aucun cas se vendre comme une boîte de conserves, sans garantie du gouvernement, lequel s’engage à respecter les différents labels au nom desquels il promeut une qualité de référence que nul n’est autorisé à contester sous peine de poursuites judiciaires pour diffamation avérée.
Il convient par ailleurs de préciser que ce que vaut une vie demeure un concept susceptible d’engendrer des exagérations, d’un côté comme de l’autre, de la mauvaise foi, voire de honteux mensonges visant à abuser l’autre partie, notamment celle qui toujours a tort. Combien vaut une vie ? La question elle-même n’est pas exempte de subjectivité puisqu’on a vu certains individus affirmer que la leur n’a pas de prix, ce qui ouvre indubitablement la porte à toutes les vantardises alors même que le prix du ticket de métro demeure, en dépit des fluctuations de la Bourse, relativement stable d’un jour à l’autre sans vraiment prendre en compte les disparités constatées entre un département et son voisin où l’on continue, aujourd’hui encore, à attendre le bus durant des heures alors que l’orage menace et que cette paire d’espadrilles ne passera pas l’hiver, pour peu que la neige soit de la partie en cette fin août et qu’il eut été préférable de rester à l’hôpital où le potage au vermicelle est délectable, notamment à l’issue de cette troisième journée de diète. Combien vaut une vie ? Cela dépend presque totalement de l’usage que l’on compte en faire, car il est manifeste que, dans certains cas, cela relève du gaspillage. Constatons en effet que certaines vies peuvent parfois se montrer à l’usage de beaucoup inférieures, qualitativement parlant, au prix auquel celles-ci furent vendues. En pareil cas les recours sont inexistants, une vie commencée se doit d’aller jusqu’à son terme. Bien entendu, chacun demeure libre de l’abréger s’il le souhaite mais fort peu nombreux sont ceux-là mêmes qui font ce choix. Par pudeur, par crainte de l’inconnu ou parce qu’il faut savoir se contenter de ce que l’on a, prétendent-ils. Néanmoins, chacun reste maître de sa vie et peut en disposer à sa guise, ou presque, dès lors qu’il l’a payée.
Toutefois, rien n’autorise quiconque à disposer de la vie d’autrui, car la vie des autres ne nous appartient pas véritablement, quand bien même d’aucuns veulent ignorer cette précision que nous qualifierons de pur bon goût. Un cinéaste allemand bien informé sur ce type de pratiques a réalisé au début de ce nouveau millénaire un film qu’il a, fort opportunément, intitulé La vie des autres. Florian Henckel von Donnersmarck y raconte que, dans certaines circonstances précises, des individus ont eu tendance à négliger le concept basique d’amour entre les hommes en recourant à des procédés que la morale réprouve mais nous savons aujourd’hui combien la morale doit quelquefois s’effacer devant l’exigence principalement économique, faute de quoi c’est la vie elle-même de nos élites qui serait mise en danger. S’interroger sur ce que vaut une vie n’est en vérité rien d’autre qu’un jeu d’esprit, un problème de philosophie tout au plus qui ne doit déboucher en aucun cas sur des généralités. La seule question qui doit orienter notre réflexion et donc notre action tient dans le choix qu’il nous appartient de faire au moment de décider qui peut continuer de vivre et pour combien de temps encore. Combien vaut une vie ne peut avoir de sens qu’après que nous ayons répondu en préalable à la seule interrogation qui vaille : Qui ? Certes certes, la sagesse voudrait que l’on prit conseil auprès de son généraliste mais ce n’est pas sans risque, selon que l’on s’adresse ou non à un disciple du célèbre professeur Raoult qui n’est pourtant pas plus méchant qu’un autre. Ainsi va la vie… Quant à son prix !
04 novembre 2020