L’électeur n’est pas mon lecteur
Le suspense était hier soir à son comble, pas un seul match de foot sur quelque chaîne de télévision que ce soit, le sort de nos régions récemment recomposées se jouait à vingt heures sur les écrans et il en allait de l’avenir de la nation. Alors même que l’on servait le potage au vermicelle dans les assiettes creuses du dimanche les candidats du parti au pouvoir allaient-ils tous devoir débarrasser leur placard et laisser la place, ainsi que les médias bien informés l’avaient fièrement annoncé lors du raz-de-marée de la semaine précédente, à leurs collègues nationalistes afin qu’enfin triomphât une politique essentiellement soucieuse du bonheur des Français de souche très défavorables à la disparition du saucisson pur porc et à son remplacement par le couscous où, soit dit en passant, la merguez n’est rien d’autre qu’un saucisson famélique.
En vérité, les résultats proclamés laissaient présager un effondrement des forces socialistes nettement plus tempéré que celui promis par les politologues diplômés. Certes, la défaite s’annonçait sévère mais bien davantage au profit de la droite que de l’extrême, ce qui démontre combien les penseurs les mieux introduits dans le divertissement cathodique ont encore bien du pain, voire de la brioche, sur la planche pour convaincre avec succès l’électorat mécontent de se tourner résolument vers le fascisme, sauveur suprême de l’ordre plus ou moins républicain.
À vingt heures quarante-cinq les culottes blanches de Marthe Keller dans le meilleur film de Philippe de Broca ont remplacé pour moi la dispensable énumération des scores des uns et des autres, et je me suis ainsi épargné les prétendus débats où chaque candidat est, sans le moindre doute, venu annoncer sa victoire. On voit par là combien nous devrions exiger de chaque comédien, avant qu’il ne grimpe aux arbres, qu’il eût au moins une culotte propre.
décembre 2015