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Soit dit en passant

Adresse aux sous-merdes

17 Décembre 2015 , Rédigé par JCD

Pauvres, ou en passe de l’être bientôt sévèrement, exploités car vous êtes nés pour ça, émigrés ou migrants selon la terminologie du moment, traîne-savates, va-nus-pieds, sans domicile fixe spoliés jusqu’au noble mot de clochards mais bienheureux profiteurs de cette aubaine qu’un pitre généreux eut l’idée de réactualiser à votre intention – jadis il vous eût fallu vous satisfaire de la soupe populaire et du secours catholique, nous avons désormais compris qu’il fallait élargir le cercle de famille car sans cesse vous vous reproduisez, vous croissez et vous multipliez au point que nul ne sait désormais que faire de vous –, déchets vaguement humains, cela dit sans chercher le moins du monde à me montrer désagréable, permettez-moi de vous dire à quel point vous êtes la lie de ce pays et de ceux qui, partout dans le monde, ne savent comment se débarrasser d’une engeance qu’il leur faut dissimuler aux yeux du touriste, cette autre espèce en voie de développement qui ne cesse de rechercher l’exotisme dont elle dispose pourtant à quelques mètres de ses buildings de verre et d’aluminium brossé mais qui croit toujours que voyager est le privilège des gens heureux ; permettez-moi de vous rappeler combien il est déraisonnable, voire indécent et en tout cas inutile d’ambitionner un jour devenir riches à votre tour, afin de jouir de tous les biens dont il arrive que vous entendiez narrer la beauté, le bon goût, la saveur, le parfum sans jamais parvenir à y accéder ; misérables, loqueteux, sales et puants, ce monde n’a pas été conçu pour vous, votre présence ici-bas lui est une insulte et Dieu lui-même vous a bernés en vous racontant que les derniers allaient être les premiers. À moins que vous ne fussiez sportifs de très haut niveau, ce dont vous m’autoriserez à douter. Existent les inclus et, par réciprocité, les exclus et l’on veille à ce qu’il n’y ait point de confusion. Vous, les premiers ? Quelques-uns parmi vous l’ont peut-être cru, ils déchanteront et finiront comme les autres, les impies, les mécréants, nus, galeux, pouilleux, recroquevillés sur un bout de trottoir où viennent pisser et chier les chiens, ces chiens qui, comme vous, n’ont pas lu Saint-John Perse et ne s’en portent pas plus mal. Pauvres, permettez-moi de vous dissuader de croire qu’au fallacieux prétexte selon lequel vous seriez les plus nombreux et que, si vous le vouliez, le monde entier pourrait vous appartenir. Ce serait prendre ses désirs pour des réalités et vous n’avez de désirs que minuscules, minables, mesquins, et c’est précisément ce manque d’ambitions qui fait que vous êtes pauvres et le resterez. Pourtant, en vous révoltant vous n’avez rien à perdre puisque vous n’avez rien tandis qu’eux-mêmes ont tout, mais la peur est là qui vous maintient courbés, la peur de quoi, le savez-vous vous-mêmes ? La masse, la foule, le peuple – osons le mot ! – pourraient certes terroriser quelque individu isolé rentrant tard le soir dans ses beaux quartiers mais ne perdez jamais de vue que vous n’avez pas accès à ces beaux quartiers où d’ailleurs seules les bonniches ne circulent pas dans des véhicules avec chauffeur, et qu’iriez-vous faire d’une bonniche hormis tenter de la trousser quand elle-même vous crache son mépris estimant à juste titre que vous n’êtes pas de son milieu et que vous schlinguez, dit-elle en éclatant de rire, oseriez-vous la demande de rançon ? Sérieusement, n’y pensez pas car vous pouvez l’égorger sans que son employeur en soit le moins du monde contrarié, le petit personnel il suffit de se baisser pour en trouver à profusion, et pourquoi même se baisser lorsqu’il suffit d’envoyer ses rabateurs dans les établissements et organismes adéquats. Non, renoncez à de tels projets farfelus, vous avez beau vous compter, vous recompter et vous persuader d’être des millions, voire des milliards, la chance n’est pas avec vous, la chance est héréditaire. Vous êtes nés pauvres, vous mourrez pauvres, ceux qui disposent des moyens nécessaires pour modifier un tant soit peu cet état de fait ne le souhaitent en aucun cas et c’est bien compréhensible, il en va ainsi depuis toujours à cette nuance près toutefois que, tandis que vous vous complaisiez dans votre misère et votre crasse et deveniez ce qu’en d’autres contrées on qualifie d’intouchables, les nantis s’organisaient afin d’accroître encore davantage votre dépendance et votre impuissance. De l’aveu même de Jim Young Kim, président de la Banque mondiale, le pauvre n’est pas rentable, vous devrez vous attendre à l’admettre. Vous aviez perdu dès le départ, les experts ont juste consolidé leur différence et c’est important la différence, c’est ce qui permet de reconnaître à coup sûr l’honnête homme lorsqu’on en voit un passer, mais c’est vrai qu’il n’en passe pas souvent. Surtout là et dans l’état où vous êtes. À l’instar de vous-mêmes, l’honnête homme ne consent à fréquenter que ses semblables, il rechigne à se commettre et veille à ne se reproduire qu’en des trous de marque analogue ou au moins similaire chez les partisans les plus audacieux de la social-démocratie libérale mais à la moindre explosion due à quelque congrégation religieuse extrémiste, l’honnête homme, parce qu’il est profondément laïc, manifeste son émotion publiquement tandis que le pauvre se terre, affichant ainsi sa culpabilité et redoutant qu’on ne le lynche. On voit par là combien l’attitude de l’honnête homme diffère de celle du pauvre, le port de la cravate ne constituant pas une preuve suffisante en cas d’interrogatoire musclé consécutif à une rafle.

Nous ne le répéterons jamais trop, pauvres, exploités, émigrés ou migrants, traîne-savates, va-nus-pieds, sans domicile fixe, loquedus, minables, moins-que-rien, que vous soyez négros, bougnoules, niakoués, roms, voire plus ou moins blancs de peau, restez à votre place dans vos cartons de lave-linge ou vos barres d’immeubles toujours périphériques et oubliez à jamais ce que vous avez pu entendre proclamer concernant la liberté, l’égalité, la fraternité, le pays des droits de l’homme mais, en revanche, souvenez-vous que l’honnête homme, oui l’honnête homme, est partout chez lui sauf là où vous vous cachez mais que cet emballage dont vous vous protégez de la pluie et du froid lui appartient, comme ces poubelles que vous fouillez à la recherche de restes avariés et pourris, tout lui appartient. Se pose alors la question de savoir si, dans ces conditions, cela vaut vraiment la peine – et le mot n’est pas là par hasard – de continuer à vivre, encore que ce dernier terme soit quelque peu impropre.
Que vous existiez ou non ne préoccupe nullement l’honnête homme, son indifférence à l’égard de quiconque ne lui est d’aucune utilité et ne le menace pas pour autant est sans commune mesure avec l’intérêt qu’il porte à l’instant même à l’évolution des cours… disons de l’uranium.
décembre 2015

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C
"Salauds de pauvres " cette célèbre réplique est comme un écho à ta broutille.<br /> Le pire est le renoncement à toute dignité cause de trop de débine.<br /> Le film de Scola "Affreux, sales et méchants" est une illustration sordide de la survie des plus défavorisés.
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