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Soit dit en passant

Roboratif et gouleyant

9 Septembre 2014 , Rédigé par JCD

D’un côté il est des plus roboratif et divinement gouleyant pour l’ego de se savoir détesté, principalement par les cons — qui sont quand même qu’on le veuille ou non les plus nombreux — mais de l’autre on ne peut s’empêcher, lors de certains pics de mélancolie possiblement automnale à l’heure où les raviolis terminent de figer au fond de la casserole et que dans les chênes de la combe endormie bouboule le hibou, d’avoir envie que l’on nous aime et déplorer de ne l’être pas. Force m’est de reconnaître que l’existence n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est préférable de se bien garder d’espérer, attitude qui ne peut déboucher que sur la déception dont nous savons — en tout cas devrions-nous le savoir depuis le temps que dure la plaisanterie — qu’elle peut générer l’amertume et conduire à terme au carnage épouvantable avec des morceaux éparpillés et des taches sur le papier peint à fleurs de la chambre des voisins d’en face ou, au pire, au suicide de cet être pas plus désespéré qu’un autre mais pour qui c’est déjà bien suffisant. Je dis au pire parce que le suicide, lorsqu’il n’est pas raté, ne réjouit que les autres puisque le concerné au premier chef, l’intéressé en somme, n’est plus en mesure d’apprécier la sobre beauté de son geste alors que le carnage, s’il est vraiment de haut niveau, peut enchanter le survivant dont le projet primordial était bien de se faire plaisir.
La plupart du temps nous aimerions être aimé, c’est là un réflexe somme toute naturel dont on ne peut critiquer sans se montrer injuste la légitimité. Mais que ne nous faut-il pas faire pour obtenir les cadeaux, les compliments, les faveurs témoignant de la ferveur qui nous est prodiguée et que nous méritons, car nous devons alors renoncer à la franchise dont nous n’ignorons pas qu’elle sera mal interprétée, taire nos reproches, qu’ils soient justifiés ou non, flatter à notre tour, nous abaisser jusqu’à ravaler d’éventuelles rancœurs qui ne nous vaudraient en retour qu’anathème et humiliations vexatoires. On n’est jamais aimé, quand on l’est, pour ce que l’on est mais pour l’idée, l’image que celui qui aime a de nous à cet instant précis. C’est alors que l’on peut se dire que la supercherie a fonctionné, sans toutefois prononcer le mot mais plutôt, si vraiment nécessaire, évoquer la notion d’illusion dans la mesure où elle induit fatalement celle d’une inévitable désillusion à venir.
À défaut d’être aimé il faut savoir se satisfaire d’être jugé supportable, ce qui n’est déjà pas une mince affaire puisque cette qualification suppose que l’on se dispense d’émettre un jugement, une opinion qui pourraient désobliger la personne censée nous supporter. Mais il ne faut surtout pas se monter excessif en sens contraire et obstinément se taire, attitude certes pleine de circonspection mais qui risque fort d’être qualifiée d’intolérable en raison de l’ennui profond qu’elle menace d’installer entre l’insupportable et son juge.
À tout prendre, mieux vaut être détesté. On est ainsi assuré de vérifier que l’autre est un con.

février 2014 

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C
J'ai retrouvé ce commentaire dont j'ai ,hélas, perdu le nom de l'auteur.<br /> <br /> &quot;Le problème avec l'égo c'est qu'il adore se nourrir de commentaires élogieux parfumés à la crème de flatterie, il ne peut pas résister à ce genre de gourmandise,Un commentaire du type:&quot;super,génial,tu es un poète d'enfer!&quot; contient un nombre important de calories et de mauvaises graisses, évitons la malbouffe de l'Ego&quot;. et alors,l'embonpoint n'est pas loin. <br /> <br /> J'aime bien cette citation de Georges Courteline: &quot;les vieilles amitiés s'improvisent&quot;.<br /> <br /> Ne pas oublier qu'être traité de con par plus con que sois est d'une rare volupté.
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O
Oui, d'accord avec toi, les gens qui me détestent sont des cons. En revanche, là où c'est moins roboratif, c'est quand ces fameux cons en contaminent d'autres qui ne l'étaient pas encore, ceux qui m'appréciaient pour ce qu'ils avaient pu voir de moi, ou que sais je, voire encore dans l'abstention..<br /> Les cons c'est comme un champ d'herbes sèches; des qu'il y en a un qui s'enflamme, les autres suivent avec zèle et conviction.<br /> C'est pour ça que je suis agoraphobe, la foule est trés con et dangereuse.<br /> Alors pour me réjouir que ce plus grand nombre soit à mes trousses, ou sapent le chemin que je pourrais parcourir, bof, non, je ne trouve pas ça trop gouleyant non plus.<br /> Evidemment, je pourrais jouir d'une tour d'ivoire, ne plus avoir besoin de commercer avec mon prochain, mais l'heure n'est pas tout à fait venue, et j'avoue avoir encore quelques réticences à me proclamer Roi des Cons. Encore que, peut être le suis je déjà d'avantage que je ne veuille bien me l'avouer.<br /> Quand à l'Amour, j'ai fini par penser que c'était un fantasme;<br /> Plus ou moins partagé.<br /> (au delà de celui qui anime une mère et son enfant, au début, et dans la plus part des cas, et qui sert de souvenir référant pour les autres à suivre.)<br /> Parfois on voit des Etres qui se déterminent détestables, voire ermites atrabilaires, et qui finalement forgent leurs charmes et richesses pour qui sait voir.<br /> Je suis d'accord avec toi. Rien ne vaux l'intimité.
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