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Soit dit en passant

France, ton savoir-faire fout le camp !

22 Mai 2018 , Rédigé par jcd


Aimable Castanet (non non, ce n’est ni un lapsus ni une facétie) était boulanger au cœur d’un petit village de Haute-Provence. C’est Giono qui nous conte cette histoire dont Pagnol tirera un film, sorti en 1938 – qui est par ailleurs une excellente année –, avec Raimu comme interprète principal et Ginette Leclerc dans le rôle d’Aurélie, son épouse. Aimable Castanet aimait beaucoup faire son pain. Ce pourrait être une évidence puisque c’était son métier et que, dans bien des cas, les gens qui éprouvent du plaisir à faire ce qu’ils ont choisi de faire le font bien. Aimable possèdait un couple de chats, Pompon et Pomponette, l’un et l’autre chargés d’éloigner les rats de la boulangerie. Un jour funeste la Pomponette disparaît, séduite par un greffier probablement étranger au village tandis que la jeune Aurélie fait de même en compagnie de Dominique, le berger de monsieur le marquis qui venait justement de nous être présenté. Du coup, Aimable renonce à pétrir et cuire son pain, plongeant les habitants du village dans l’inquiétude, voire la détresse, car son pain était fort bon et suscitait la joie de chacun. Mais les deux Pomponette d’Aimable reviendront au foyer, une fois passé l’exotisme d’une aventure qui n’empêche toutefois nullement le sain pragmatisme.
Que n’a-t-on illustré maintes fois le citoyen français avec son béret sur la tête, son pain sous le bras et son litron de vin rouge.  Et la Haute-Provence ne se situe-t-elle pas en France ? Certes, de brillants experts en coutumes et traditions, secondés par les meilleurs spécialistes de la mode, ne manqueront certainement pas de faire valoir que le béret ne se porte plus guère – sauf chez les chasseurs alpins mais ce ne sont pas des gens comme nous. Et que le vin rouge est probablement mauvais pour la santé – ce qui relève bien entendu la plus grande absurdité jamais proférée par quelques buveurs d’eau dont le teint sinistre n’encourage personne à suivre leur exemple. Et le fameux pain de quatre livres, me dubitativerez-vous en hochant du goitre. Eh bien justement vous rétorquerai-je illico, car le boulanger est une espèce non seulement en voie de disparition mais, hélas trois fois hélas ! sommée de disparaître à jamais puisque le pain a lui-même disparu de la table de l’honnête citoyen, désormais plus enclin à se soumettre aux lois rigides de la sainte diététique qu’à celles de son propre plaisir que l’on tente de lui faire prendre pour un vice malsain. Et si le pain a disparu de la table familiale dans ce pays devons-nous pour autant nous satisfaire de ces immondes machins livides à la croûte molle, dépourvus de goût et d’odeur dès lors qu’aucun boulanger n’honore plus dorénavrant la profession de boulanger. On me susurre dans le tuyau de l’oreille qu’il nous faut désormais nous enquérir de l’existence possible de l’artisan-boulanger qui, seul, saurait encore faire du vrai pain comme autrefois. Et peut-être, pourquoi pas, nous en-aller dans le petit matin frisquet franchir deux ou trois départements pour découvrir celui qui nous ravira le nez et les papilles avec son chef d’œuvre croustillant et parfumé dont il nous a fallu apprendre à nous passer, dégoûtés à jamais, dirait-on, par ces imitations consternantes qui sont la honte de toute une nation affamée qui jadis tranchait la tête de la pimbêche se permettant du haut de sa superbe l’immonde injure : qu’on leur donne de la brioche !
Et après l’artisan-boulanger devrons-nous partir à la recherche de l’improbable artiste-boulanger, probablement subventionné par le ministère de la Culture ? Non, mes amis, je crains fort qu’un pays qui ne sait plus faire ni manger son pain n’a plus qu’à disparaître. On nous l’avait déjà tant de fois seriné : on n’arrête pas le progrès.

22 mai 2018

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