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Soit dit en passant

En un combat douteux

17 Juillet 2016 , Rédigé par JCD


On aura beau me répéter, me rabâcher que la mort et la vie sont indissociables, je ne parviens jamais à accepter cette évidence, cette espèce de normalité dont je ne peux nier le caractère inéluctable certes mais quand même foutrement inadmissible. Bien sûr qu’il faut faire de la place, dégager l’espace pour tous ceux-là qui trépignent d’impatience avec la ferme intention d’en profiter un moment, à leur tour. Au cours de ces dernières années combien sont partis au trou, ou en fumée, qui, souvent, avaient pourtant de solides arguments pour préférer demeurer encore quelque temps en vie, ne fût-ce qu’en regard de ma décrépitude et de ma paradoxale mais temporaire résistance. Oui, Alain, nous ne saurions tout coller sur le dos de Tchernobyl, il existe d’autres vecteurs, plus insidieux – si tant est que l’explosion d’un réacteur nucléaire soit en quelque sorte impromptue – dont la contribution à l’augmentation de tous nos cancers n’est pas aussi négligeable qu’on veut bien tenter de nous le faire croire, étant admis le principe selon lequel il s’agirait d’une forme de contrepartie légitime aux bienfaits du progrès, tout comme il peut tout à fait se trouver une huitre pourrie dans la bourriche achetée le matin même sur le marché !
Hier c’était au tour de Anne d’abandonner parce qu’il est trop épuisant de vouloir à tout prix survivre au crabe en un combat douteux, parce que truqué et donc perdu d’avance. Jean, tu m’as demandé de compenser par un sourire ton impossibilité à être présent, il est parfois des circonstances où sourire est difficile. Bob abdiqua aux premiers jours du mois de mai, même cause, mêmes effets, que le vainqueur par forfait s’intitule cancer ou leucémie. 2014 fut une année faste puisque Bernadette (de Grasse) et Nathalie, qui avait partagé quelques années de son existence avec moi, cédaient l’une et l’autre devant l’inflexibilité de l’intrus qui jamais ne transige ; tandis que Jean-Claude Pirotte, André Blanchard et François Cavanna renonçaient à poursuivre plus longtemps une discussion dont on sait par avance qui des deux aura le dernier mot. Auparavant il y eut Bernadette (de Barcelonnette), à peine entrevue à deux reprises et déjà absente, et puis quantité d’autres, inconnus ou non, dont, pour certains, il est préférable de n’avoir pas à les regretter. Même les salauds finissent par mourir mais ce n’est pas une consolation, juste un bref moment de satisfaction vite oublié.
On m’objectera sans doute que toute vie humaine est respectable, je n’en suis pas si sûr. Que l’inventeur de la bombe à neutrons ou du glyphosate ait été, ou soit, un époux, un amant et/ou un père de famille admirable doublé d’un collègue de bureau créatif et chaleureux ne change rien au fait qu’il est responsable, directement ou indirectement, de l’assassinat de personnes qui me sont chères et dont j’aurais aimé qu’elles fussent encore en vie pour déplorer ma propre mort.
Quelquefois, l’égotisme me va comme un gant.
juillet 2016

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A
Mourir n'est rien qu'un passage au néant. Seule compte la manière de finir. La crainte est une fin dans d'horribles souffrances ou de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins les plus élémentaires.<br /> Je rejoins Marcel Proust qui affirmait que "L'idée qu'on mourra est plus cruelle que mourir, mais moins que l'idée qu'un autre est mort". Et j'approuve la formule de Bernard Shaw "Mieux vaut finir sa vie dans les bras d'une femme que dans les bras d'un fauteuil;Un certain Président français l'avait bien compris.<br /> En conclusion, j'admets de devoir mourir mais je proteste.
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