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Soit dit en passant

Moltonel de Lotus

31 Juillet 2015 , Rédigé par JCD

Les seules fonctions dont l’homme néglige le plus souvent de tirer quelque satisfaction, voire un bien-être temporaire quand il n’est pas que momentané, sont de nature expulsive. Certes, l’intromission via l’orifice buccal d’une certaine quantité de nourriture et de boisson n’est pas à écarter dès lors qu’on parle de plaisir, le mot lui-même pouvant conduire à la pire goinfrerie, quand bien même l’appétit viendrait à manquer. Ingérer, avaler, absorber, déglutir, les termes sont nombreux pour dire le bonheur de qui se remplit quand celui-ci est tenaillé par la faim ou la soif. On étendra une telle aptitude aux activités à caractère plus ou moins cérébral lorsqu’il s’agit d’apporter à tel bipède ce qui nourrit l’esprit ou les sens plutôt que le corps. À l’inverse des plaisirs de la table, ceux que l’on rassemble sous le nom d’intellectuels n’entraînent pas systématiquement et consécutivement un besoin d’expulsion. Sauf chez le crétin congénital ou par acquisition, le piéton ordinaire tend à conserver, parfois fort longtemps si le cancer lui en laisse le loisir, les sédiments de ce que les employés du ministère concerné nomment la culture. Parfois il se déprend d’un amour de jeunesse au profit d’une passion inattendue, mais généralement dans ce domaine les acquis durent davantage que ceux que l’on dit sociaux car le temps se charge de faire le tri entre la nouveauté du jour et les meubles Lévitan qui sont garantis pour longtemps. En revanche et dans la plupart des cas, le corps s’empresse de ne conserver que l’essentiel mais grande est la tentation de stocker en prévision d’on ne sait quelle troisième guerre mondiale alors que, paradoxalement, expulser dépasse, et de loin, la jouissance qu’il y aura eu à engloutir. On peut bien entendu entreprendre de gaver n’importe quel individu, ainsi que nous avons coutume de procéder avec les oies et les canards. Si le but recherché est d’amuser un certain nombre de spectateurs, la prudence – qui est à la sagesse ce que la marche à pied sur le côté gauche d’une route de campagne est au choix de ne jamais sortir de chez soi – invite à prévoir pour cloison une vitre blindée d’une épaisseur de dix millimètres afin qu’en cas d’explosion nul débris ne vienne endommager physiquement les doux enfants toujours friands de spectacles de ce genre. En effet, si l’accumulation de flatuosités s’évacue couramment par le biais de vents ou de rots plus ou moins sonores mais généralement odorants, une concentration importante de nourriture non encore transférée de l’estomac vers les intestins peut tout à fait générer une déflagration pestilentielle d’une telle puissance que les tissus humains s’avèrent incapables d’y résister. Tandis que l’individu ayant choisi pour règle de vie la tempérance saura se montrer discret dans les exhalaisons de son propre corps. Il s’absente un instant jusqu’en un lieu adéquat, s’efforçant ainsi de ne point incommoder son entourage tout en expulsant son trop-plein, si modeste soit-il, avec un réel bonheur dont il est possible d’observer les effets de délivrance dans la sérénité qui envahit et apaise progressivement ses traits jusque là visiblement congestionnés. On remarquera une satisfaction analogue chez l’artiste, l’auteur ou le musicien, aussi médiocres soient-ils et peut-être même s’ils le sont au-delà de toute espérance, lorsqu’ils ont pareillement régurgité le résultat d’un excédent de créativité dont ils sont bien les seuls à se montrer soulagés.
On voit par là combien peut nous sembler parfois abusif l’intérêt que d’aucuns semblent porter aux aliments dont ils se nourrissent tout autant qu’à la consistance de leurs excréments, au point, hélas fort souvent, de les exposer aux regards poliment extasiés d’un public qui n’en demandait pas tant. D’autres font dans la littérature ou dans ce qu’ils nomment musique et ils en mettent partout, eux aussi.
Moltonel de Lotus la plupart du temps fait défaut.
juillet 2015

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C
Comme je me sens un peu seul sur ce blog, je vais un peu abuser de ton temps et rappeler mon poème (édité par le défunt Brouillon ) traitant de l'utilité de la défécation en poésie.<br /> <br /> Romanticaca <br /> <br /> J'aime à suivre rêveur un sinueux sentier<br /> quand monte en mes viscères l‘envie de déféquer. <br /> Sous la voute feuillue d'un chêne vénérable<br /> c'est l'instant où, comblé d'un bonheur ineffable,<br /> je viens là déposer accroupi humblement<br /> au pied d'un tronc chenu un bel étron fumant.<br /> De ses derniers rayons à l’heure vespérale<br /> Phébus vient caresser mon don intestinal.<br /> Je contemple ébloui la splendeur bucolique<br /> des lueurs du couchant irisant ma colique.<br /> Ô nature divine, accepte cette obole,<br /> de vénération, comme un fervent symbole.<br /> Salut ! soit honorée d’un zest de souillure<br /> afin que sa couleur ravive ta parure .<br /> <br /> Des vespidés fripons des ailes me chatouillent <br /> pressés de lutiner mes bourses qui pendouillent .<br /> Un insecte effronté vient butiner gourmand <br /> de mes hémorroïdes un nectar succulent.<br /> Ô taon suspends ton vol ! car grâce à mes varices <br /> d’un peu de ton régal je me sens le complice.<br /> Puis fièrement dressé dans l’agonie du jour <br /> d’un jet tourbillonnant je compisse alentour.<br /> Mon flot impétueux creuse une fondrière<br /> ou patauge affolée la gent fourmilière.<br /> Un bousier affamé venu se restaurer,<br /> sous la trombe cruelle est bientôt submergé.<br /> Dans les herbes moussues, apeurées des lucanes <br /> sous le déluge ébrouent leurs élytres diaphanes.<br /> Une araignée velue, de ses pates véloces,<br /> prompte, se réfugie à l’abri d’une écorce.<br /> Le torrent se tarit, une dernière goutte<br /> choit sur un scarabée et le met en déroute.<br /> En un ultime adieu au soleil qui expire<br /> j’expulse un pet sonore parfumant le zéphyr.<br /> Et dans la flatulence issue de mes entrailles <br /> des phalènes grisés par l’arôme défaillent.<br /> Fuyant ma pollution, les douces coccinelles<br /> rouges d’indignation s’envolent à tire d’ailes.<br /> (Lecteur as tu osé quelques fois respiré<br /> une vesse émanant de ton ventre gonflé<br /> dans une grande ivresse et douce gourmandise<br /> imprimant une trace aux pans de ta chemise ?)<br /> J’aime le son du corps grondant du fond de moi<br /> au chant du rossignol vient se mêler sa voix,<br /> sa mélodie jaillit dans le soir embaumé<br /> allègre et modulé, d’un sphincter comprimé.<br /> Des rainettes coassent en joyeux trémolos <br /> de leur timbre d’airain répondent les crapauds.<br /> Les bramements des cerfs pleins de mélancolie<br /> se joignent en écho à cette symphonie.<br /> Mais déjà l’angélus tinte au clocher lointain<br /> et l’esprit allégé ainsi que l’intestin,<br /> je m’engage à regret au chemin du retour<br /> dont la nuit étoilée estompe les contours.<br /> Au souvenir heureux de l’extase organique<br /> mon âme avec ferveur adresse une supplique <br /> au poète inconnu en ce lieu égaré <br /> propice à soulager une forte diarrhée.<br /> <br /> "Promeneur solitaire, lors d’une flânerie<br /> si ma fiente colle à ton pied étourdi,<br /> ne maudit pas l’auteur de cette déjection,<br /> réfrène ton courroux, et, sous la frondaison<br /> viens offrir en hommage à Gaia notre mère<br /> d’un colon généreux ta fécale matière.<br /> En inclinant ton front dans le recueillement,<br /> élève ta pensée, et, face à l’excrément,<br /> par l’emphase exalté ton esprit constipé<br /> se trouvera aussi par la merde inspiré".
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C
Concernant les flatuosités, je ne sais plus qui à dit "Qu'il ne faut jamais garder un pet à l'intérieur.Celui -ci<br /> monte ensuite le long de la colonne vertébrale et arrive an cerveau, et c'est à partir de là que naissent des idées de merde!".
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C
Pierro Manzoni illustre bien ton propos, lui qui vendait (fort cher) des boîtes de merde d'artistes.
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