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Soit dit en passant

Albert, mon ami

5 Août 2014 , Rédigé par JCD

Lorsqu’on vit à l’année, entouré de ses terres, au cœur d’une vaste et confortable propriété l’acquisition et l’emploi en continu d’un personnel de maison à l’évidence s’impose. Je reconnais toutefois qu’en raison des charges prohibitives je ne peux que rarement les rétribuer, mais ils semblent s’en accommoder, peut-être en raison de la déférence qu’ils affichent volontiers à mon égard, ou simplement par amitié, ce dont je m’honore puisque je n’ignore point combien les cas de ce type s’avèrent plus que rares et, de nos jours, quasiment anachroniques. Sans compter que le terme d’amitié ait pris, via ces réseaux que l’on dit sociaux, une démocratique ampleur qui pollue quelque peu son désintéressement supposé. En son temps déjà Louis-Silvestre de Sacy voyait dans l’amitié un commerce, c’est assez dire si le fait d’ouvrir aujourd’hui une épicerie, ou une banque, prédispose à jouir des plus émouvantes félicités. Toujours est-il qu’au sein d’une société plus que jamais mercantile il m’appartient de saluer ici la noble gratuité des services à moi rendus par ces individus dont le dévouement aurait justifié qu’ils fussent décorés du Mérite agricole, des Palmes académiques et, pourquoi pas, de la Légion d’honneur quand on voit l’usage qui en est fait.
Albert — tout court, puisqu’il est l’essentiel et le plus ancien — possède le titre enviable de majordome. Il accueille d’éventuels visiteurs et répond au téléphone lorsque je suis absent ou trop occupé pour m’en charger moi-même. C’est quelqu’un de courtois, de respectueux et qui ne s’autorise un mot d’esprit qu’à bon escient, et certainement pas avec n’importe qui. Les visiteurs sont en vérité peu nombreux dès lors qu’ils ont bien compris, tout comme moi, à quel point le temps nous est compté et combien nous devons décider des priorités indispensables, sans quoi la vie serait insupportable. C’est lui qui a pour mission d’anticiper le renouvellement du contenu de la cave quatre fois l’an afin que l’on ne manquât point.
Albert II (en chiffres romains, s’il vous plaît ! pour lui comme pour tous les autres) est le gardien. Sa fonction et ses mensurations lui confèrent une autorité dont il n’abuse que très rarement. Il sait éloigner les indésirables avec fermeté et veille constamment à ce qu’aucun intrus, fût-il armé en période dite de chasse, ne s’introduise dans le parc ni ne se permette indûment d’emprunter l’une ou l’autre des allées d’accès aux corps de bâtiment.
Albert III, le jardinier, est en charge de l’arrosage des arbres et arbrisseaux, principalement durant les fortes chaleurs. J’ai remarqué combien il peine à transporter ses arrosoirs d’un point à un autre, cet inconvénient est dû à son grand âge mais j’aurais mauvaise grâce à lui en faire la remarque et plus encore à seulement envisager son remplacement par quelque freluquet probablement aussi insolent qu’incompétent. Il doit par ailleurs, nonobstant la taille régulière des gazons, veiller à ce que l’entretien et l’élagage des arbres, fruitiers ou d’ornement, soit effectués aux périodes idoines et gérer convenablement le stock de bois coupé. À ce sujet, l’édification d’un cinquième auvent semble désormais plus que nécessaire.
C’est à Albert IV qu’incombe les besognes d’entretien, aussi diverses que variées, auxquelles nul ne peut se soustraire sans toutefois devoir aller jusqu’à en assumer soi-même l’exécution. Menus travaux d’électricité ou de plomberie, voire restauration d’un muret en perdition. Pour les ouvrages trop complexes ou nécessitant des moyens techniques importants Albert IV a toute qualité pour faire appel à des entreprises certifiées dont il se sera assuré au préalable que leurs personnels disposent des qualifications requises.
Je n’écarte pas totalement la possibilité d’élargir jusqu’à un Albert V dont la fonction principale serait de vanter à longueur de journée ma beauté, mon intelligence, mon talent, ma sagesse et mon incroyable perspicacité à m’entourer de gens exceptionnels. Néanmoins j’hésite encore, notamment lorsque me turlupine l’idée de prendre plutôt une Albertine, ou carrément, pour changer, une Ekaterina, ou n’importe quoi d’autre puisque c’est moi qui décide du prénom.
Selon Albert tout court, c’est abracadabrantesque — son père était emploi fictif sous Chirac — mais je devine qu’il craint pour son avenir et pour celui de ses collègues de bureau. Alors qu’à dix-huit ans on est encore en formation…

août 2014

 

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C
On se proclame homme de gauche, défenseur acharné des droits des hommes décharnés ,mais avec le temps , on découvre un horrible bourgeois cachant sous une étiquette fallacieuse un social démocrate esclavagiste exploitant sans vergogne les pauvres exclus de la société. <br /> Dans son for intérieur, bien à l'abri à l'intérieur de son fort érigé sur ses terre brunes entourées de barbelés et de caméras de surveillance, tel un Dracula saigneur de misérables manants indigents dont il exige, pour une maigre pitance, une servilité sans faille .<br /> Albert n'étant que le pseudonyme cachant les véritables prénoms de SDF ou immigrés échoués sur le rivage de notre belle France ou échappés d'un camp de réfugiés fleurissant ,tels des bubons, sur la peau de l'amer patrie.<br /> Recourir au 5ème CDD avec &quot;Albert V&quot; dénote un profond mépris des lois sacrées de notre code du travail .<br /> Albertine se verra sans doute racolée parmi les hétaïres venues ,d'Ukraine ou de Roumanie, &quot;bitumer&quot; (par force?) sur les contre allées voisines. Elle se verra contrainte de raviver des fantasmes exhumés d'une libido défaillante de bourgeois pansu au taux de cholestérol dépassant la moyenne tolérée, de son maître se prélassant , un verre de Chabli en main,sous son baobab millénaire .<br /> En résumé, ce ne sont la que vaines critiques, manifestation d'une basse jalousie envers un honnête homme réalisant le rêve de la majorité des exploités n'aspirantqu'à devenir à leur tour des jouisseurs des bienfaits de la vie.<br /> Si non, la Française des jeux ferait faillite.<br /> <br /> PS: Mes amitiés à Albert.
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