Vergogna !

Les temps électoraux sont généralement propices à l’émission de commentaires – certains des experts convoqués pour l’occasion parlant même d’analyses, ce qui démontre leur ambition – dont la consternante médiocrité tend à faire du lieu commun l’archétype de la pensée politique. Il n’est pas nécessaire d’attendre la proclamation des résultats pour vérifier la cohérence en matière de réflexion des préposés à l’expertise. Au terme de chaque consultation les médias n’accueillent toujours que des vainqueurs, lesquels se plaisent à démontrer l’ampleur de la dérouillée qu’ils viennent d’infliger à l’adversaire qui, lorsque vient son tour, s’empresse de s’enthousiasmer du contraire. Cette fois-ci, alors que les enjeux étaient d’ordre municipal, on nous avait prédit un raz-de-marée de l’extrême-droite — alors même que dans un souci de dédiabolisation des plus opportune les tenants du titre répugnaient soudain à ce qu’on l’employât — raz-de-marée, voire tsunami puisque le mot est à la mode, destiné à persuader d’éventuels indécis qui ne demandent qu’à faire partie du clan des gagnants dont ils espèrent obtenir ce qu’ils n’ont jamais obtenu de leurs prédécesseurs.
On a aussi beaucoup parlé de sanction, d’échec de la gauche, en oubliant un peu trop facilement que ladite gauche s’était elle-même rebaptisée socio-démocrate, reconnaissant ainsi manifestement son formidable désir de n’être pas prise pour ce qu’elle n’est pas. En collaborant (le terme peut évoquer quelques souvenirs embarrassants d’une époque où déjà l’idée d’une vaste et fraternelle Europe était en marche), en collaborant, je le répète, sans vergogne avec les représentants du totalitarisme financier qui s’est approprié les commandes de l’économie européenne – tiens ! la revoilà justement, celle-là… — le chef de l’État élu démocratiquement et les affidés qu’il a choisi de coopter — car ceux-là ne sont pas des élus, faut-il le rappeler, seulement des complices – se sont opposés délibérément aux exigences de quelques-uns et aux espérances de la plupart de ceux qui les avaient portés au pouvoir.
Rappelons-nous quand même qu’agir ainsi c’est trahir. Non seulement se trahir en niant ses propres mots mais également trahir les attentes de ceux qui s’étaient imaginés qu’il était possible de voir revenir un minimum de justice, pas seulement sociale, dans un pays où la droite effectivement décomplexée mais parfaitement dans son rôle s’était employée à commencer de détruire, morceau après morceau, ce qu’avaient mis en place le Front populaire en 1936 et le Conseil national de la résistance à la Libération, pour instaurer une compétition forcenée entre les individus et abolir le respect de l’autre. Avoir repris avec brio le flambeau d’un pouvoir déchu pour mener encore plus avant une politique que les plus à droite de la droite déploraient de n’avoir pas vu suffisamment aboutir, voilà qui est une belle performance, même si l’on regrette en douce de devoir le faire en ne se revendiquant pauvrement que socio-démocrate puisque dans national-socialiste c’est le mot de la fin qui gêne le plus. Vergogna !
Souvent sont misérables les fins de règne. Trois années encore et dans quel état seront alors les hommes et les femmes, tous les jours plus nombreux, à qui on aura tout arraché, du toit pour s’abriter jusqu’à la nécessaire obligation de travailler pour vivre. Trois années encore et quoi ensuite ? Certes, le pire est toujours, inexorablement, à venir, mais là, vraiment, comment peut-on faire pire ? Qu’ils soient de plus en plus nombreux à opter pour la résignation et en être responsable, il n’y a vraiment pas de quoi être fier. Une telle couardise ne mérite qu’un crachat.

30 mars 2014, 16:15

Comments

[cvapron]

Résignation voila le maître mot. Ca confirme l'adage "qu'un peuples de moutons engendre un gouvernement de loups". A ce jour, la cote de popularité de notre "berger" est au plus bas, Les moutons vont-ils réagir ?;